lundi 17 février 2014

Rubrique: "Le p'tit paroissien"

"Le p'tit paroissien" est le bulletin trimestriel de la Paroisse de Villeret, dont je suis le pasteur. Je me permettrai parfois de poster quelques réflexions tirées de nos bulletins, ainsi que d'informer sur les activités de la paroisse de Villeret. Voici un tout vieux texte tiré de notre bulletin:

Femmes fatales, filles rebelles,
Une méditation sur les figures féminines du livre des Juges, inspirée par la lecture du livre de Corinne Lanoire, Femmes fatales, filles rebelles, Labor et Fides, 2006. Le présent texte est un résumé de la première de trois prédications faites à Villeret de janvier à mars 2007. La suite sera publiée ultérieurement

1)      Aksa, la fille rebelle (Juges 1)

La Palestine est en feu, Jérusalem attaquée, les habitats massacrés, les villes fortifiées sont en ruine, le peuple d’Israël attaque, mais n’arrive toute fois pas à chasser l’ennemi de son territoire…. Il ne s’agit pas des derniers faits divers dans le conflit Israëlo-palestinien, mais d’un résumé concis du premier chapitre du livre des Juges. Ce récit bien musclé, bien masculin, étalant toute la force de frappe d’un peuple bien déterminé, est soudainement coupé par l’histoire d’une jeune fille promise comme trophée de guerre par son père au plus vaillant guerrier. Cette jeune fille, Aksa, femme objet ou, pire encore, femme trophée, devient par la seule force de son courage et de sa détermination, la protagoniste d’un petit récit de quelques lignes. Conquise (c’est le cas de le dire !), par un beau et jeune guerrier, elle va prendre les devants, elle le séduit afin qu’il soit d’accord de la soutenir lors d’une requête qu’elle soutiendra à son père. Avec beaucoup de courage elle se rends chez son père, trouve un moyen pour attirer l’attention de celui-ci et lui pose sa question. Aksa lui demande de la bénir et de lui donner des territoires fertiles, avec des eaux d’en haut et des eaux d’en bas (sources et pluies). Elle avait en effet reçu en cadeau un territoire aride et désertique.

Lorsque le peuple d’Israël a collecté ces récits ( Vème  et IVème avant J-Ch) il venait de rentrer dans sa terre, après presque un siècle d’exile à Babylone. Il se pose pour lui la question de quelle façon il allait habiter le Pays. Les récits de guerre proposent une façon masculine d’habiter le Pays : par la guerre, par la délimitation du territoire, par l’exclusivité de la possession, par l’exclusion des autres, par le massacre des différents. Les histoires comme celle d’Aksa proposent d’habiter le Pays par l’envie de vivre dans un territoire fertile, plus féminin, plus vivant qu’un pays rendu désertique par la guerre. L’histoire d’Aksa ouvre une brèche où il fait bon de s’engouffrer, au milieu des palmiers d’une oasis fertile. Cette brèche ouvre au milieu de nos petitesses, de nos égoïsmes, de nos envies de revanche, de nos envies d’être mieux lotis que les autres, un espace de partage et de bonheur pour nous et pour ceux qui nous entourent. L’histoire d’Aksa, la fille promise, nous fait réfléchir nous aussi : de quelle façon voulons nous habiter ce Pays qu’est notre vie ?  

vendredi 7 février 2014

"Tuer un homme ce n'est pas défendre une doctrine, c'est tuer un homme"


Sébastien Castellion a été célèbre parmi les grands philosophes de la tolérance religieuse comme Milton, Locke, Montaigne, Voltaire et Descartes. Il a été considéré l'inspirateur de l'édit de Nantes. En effet, s'il y a une phrase qui l'a rendu si cher aux piliers de la philosophie moderne a été celle-ci: "tuer un homme ce n'est pas défendre une doctrine, c'est tuer un homme..." Une phrase vraiment heureuse, au beau milieu des différents bûchers érigés par papes, évêques et réformateurs pour défendre leur doctrines. La chose plus étonnante c'est que Castellion l'a prononcée pour défendre un hérétique notoire, condamné tant par les catholique que les protestants, le fameux Michel Servet, médecin et théologien aux vues anti-trinitaires, brûlé à Genève, sur instigation de Calvin. Il s'agit d'une phrase à méditer, malheureusement encore aujourd'hui...

"Le protestantisme, la crise d'adolescence du christianisme"

"Le protestantisme, la crise d'adolescence du christianisme", est le titre de la conférence que Lionel Baier tiendra au musée international de la réforme (MIR). Lionel Baier est cinéaste, il a notamment débuté avec un excellent et très touchant documentaire autour de la figure pastorale de son père. Avec beaucoup de tact, d'humour, mais aussi de lucidité impitoyable, il décrit le métier de son père et son rapport problematique avec lui et sa confession protestante. Le titre était "celui au pasteur", sorti en 2000. Dans la brochure du MIR, qui présente la conférence, Lionel Baier affirme qu'aujourd'hui sa confession "le tient". Je comprends par là qu'il a fait la paix et que bon nombre d'aspects du protestantisme sont aujourd'hui pertinents pour lui. J'aime beaucoup sa définition du protestantisme. Il est vrai que l'adolescence est un âge où rien n'est statique, rien n'est définitif, et porte l'espoir des changements. Certes, l'adolescence passe vite et l'âge mûre risque de nous rendre aigris et faire fi de tout espoir de changement. Je souhaite que le christianisme, ou mieux, chaque individu qui se dit chrétien ou humaniste, puisse porter en lui encore l'espoir des changements, ainsi que la dynamique nomade de celui qui n'a encore rien trouvé, tout en ayant la maturité nécessaire à une compréhension et une approche sereines de la réalité et des différences. Lionel Baier sera donc au musée international de la réforme le mercredi 7 mai 2014 à 18.30.

Entre peine de mort et impunité

Au téléjournal de la RTS d'hier deux nouvelles, à mon sens aberrantes par contraste, dans la même édition. La première celle du meurtrier de Marie, le désormais célèbre Claude D., déclaré inguérissable par un des deux rapports psychiatriques attendus pour pouvoir le condamner à la prison à vie. L'autre nouvelle est celle de l'exécution au Texas d'une dame à problèmes qui a tué son mari. Au Texas on exécute pour un meurtre, même si l'on a des atténuantes médicales, en Suisse après deux meurtres on se demande encore s'il faut la prison à vie. Cherchez l'erreur! Je suis bien évidemment très opposé à la peine de mort, qui est un moyen barbare et inefficace pour résoudre les problèmes de la justice. Mais je m'inquiète également pour le laxisme juridique dans nos latitudes, qui laisse planer une atmosphère d'impunité généralisée, apte à augmenter le sentiment d'injustice, mais aussi d'insécurité auprès de la population. Le risque d'un retour de balancier n'est pas si lointain que cela. Des actes monstrueux, comme ceux commis par Claude D., "méritent" une peine privative de liberté, d'une part pour protéger la population, mais d'autre part pour affirmer que de tels actes ne peuvent pas être tolérés par la société et que leur auteur doit mesurer toute la gravité de ce qu'il a commis. Vivre en prison toute sa vie, signifie utiliser le temps qui reste pour mûrir, pour se réconcilier avec le monde et en même temps pour mesurer la gravité des actes. Et il s'agit toujours d'une vie, même si privée de la liberté. Alors je n'arrive pas à comprendre comme il est possible qu'on ait besoin d'excuses pour condamner un récidiviste à la prison à vie. L'excuse trouvée est d'ailleurs aberrante: il est inguérissable! Incroyable! Personne n'est inguérissable, mais cela ne signifie pas que si quelqu'un guérit, il doit sortir de prison après plusieurs homicides. Un meurtrier reste toujours un être humain, qui a besoin de respect et même de l'amour dont il a fait défaut. Mais à ce respect s'accompagne la vérité des actes que nous devons assumer. Et cela est valable pour tout être humain qu'une fois ou l'autre commet des fautes. "Qui est sans péché qu'il jette la première pierre", disait déjà Jésus. Ne pas juger, signifie alors regarder tout être humain avec compréhension et empathie. La société doit priver de liberté ceux qui la mettent en péril. Mais, si l'on suit Jésus, la prison doit offrir des espaces pour que l'être humain, qui y est enfermé, puisse grandir dans l'amour et le pardon, sans pour autant que l'on prenne à la légère les dysfonctionnements propres de l'esprit humain.

mercredi 5 février 2014

De l'art de douter et de croire, d'ignorer et de savoir

A une époque où Calvin et la plus part des Réformateurs détruisaient le rêve d'une Eglise AUTRE et s'appliquaient à bâtir des AUTRES Eglises, opposées mais toutes aussi dogmatiques que l'Eglise de Rome, Castellion faisait sortir des presses un livre qui avait comme début du titre "de l'art de douter". Il fallait oser. D'ailleurs c'est dans ce livre qu'il écrira "audendum est aliquid". Et il a osé, il a osé parler du doute lorsque presque tous ses contemporains parlaient de dogme et de doctrine. Car il est bon pour l'homme de savoir faire la différence entre ce sur quoi il faut douter et ce sur quoi il faut mettre sa confiance. Aujourd'hui encore on nous oblige trop souvent à croire à des dogmes doctrinaires (autour de la finance par exemple) et de douter là où au contraire il fallait mettre notre confiance. Les femmes et les hommes d'église devraient être les premiers à savoir cela, car le rêve de créer une Eglise AUTRE, ou une religion AUTRE, ou une humanité AUTRE est tout aussi pertinent aujourd'hui qu'à l'époque de Castellion. Et il fait encore nuit...

Audendum est aliquid

"Il faut oser quelque chose!" Il s'agit là d'une phrase écrite par un certain Sébastien Castellion, à propos du devoir de tout chrétien (aujourd'hui nous dirions "citoyen") de débattre, d'oser descendre dans l'arène, lorsque partout nous assistons à la violence des mots et des actes des fondamentalismes religieux. Aujourd'hui, comme au XVI siècle, époque où vécu Castellion, nous nous trouvons face à des assaut des fondamentalismes de tout genre. L'amour pour l'humanité, la confiance dans les capacités humaines est aujourd'hui ébranlée. Nous dédions alors ce blog à Castellion, dont en 2015 nous fêterons le 500ème anniversaire de la naissance. En même temps nous le dédions à l'humanité du XXI siècle, une humanité qui aura besoin d'entendre des mots d'encouragement et d'amour. Nous profiterons de cette place pour faire connaître au grand publique cette figure majeure de la Réforme protestante, petit à petit, goutte à goutte. Nous débattrons également des questions d'actualité. Et je posterai des méditations et des projet de type spirituel et biblique, ainsi que des considérations de type personnel. J'ai publié une photo d'une vue partielle du beau vitrail du Temple de Villeret, dans le Jura bernois, dont je suis le pasteur. Quelques bougies, des fleurs, un livre et un mur qui s'effrite. Juste pour dire, avec Castellion, "audendum est aliquid"!